Avez-vous le droit, notamment au nom de la liberté d’expression, d’écrire ce que vous voulez sur le web ou sur les réseaux sociaux ? Il faut être prudent… les paroles s’envolent, mais les écrits restent ! Ainsi faut-il se poser la question de ce qui est un propos diffamatoire et d’à quel moment il devient diffamatoire.

Propos diffamatoires

Dans un jugement de 2012[1], le juge cite l’arrêt de la Cour d’Appel de 1994, Radio-Canada c. Radio-Canada Sept-Îles[2], lequel offre une bonne définition de ce que constitue de la diffamation :

« Génériquement, la diffamation consiste dans la communication de propos ou d’écrits qui font perdre l’estime ou la considération de quelqu’un ou qui, encore, suscitent à son égard des sentiments défavorables ou désagréables. Elle implique une atteinte injuste à la réputation d’une personne par le mal que l’on dit d’elle ou la haine, le mépris ou le ridicule auxquels on l’expose. »

                (Nos soulignements)

En 2002, la Cour Suprême du Canada y allait d’un ajustement au concept en stipulant que la diffamation « consiste dans la communication de propos ou d’écrits qui font perdre l’estime ou la considération de quelqu’un ou qui, encore, suscitent à son égard des sentiments défavorables ou désagréables »[3].

Quand et selon les yeux de qui…

L’Honorable Gratien Duchesne J.C.S. explique aussi que les propos deviennent diffamatoires « lorsqu’un citoyen ordinaire estime que les propos tenus, pris dans leur ensemble, déconsidèrent la réputation de quelqu’un, que ces propos soient directs ou insinuants »[4].

Google et Facebook

Or, plusieurs jugements ordonnent aux sites de réseaux sociaux, notamment Google et Facebook, de retirer des commentaires, des liens ou des résultats de recherche lorsque les justiciables réussissent à obtenir jugement en ce sens.

Par ailleurs, des adresses courriels existent pour demander le retrait des éléments préjudiciables et sont dédiées uniquement à cet effet. Une simple demande ne fonctionnera pas, mais cette même supplique accompagnée d’un jugement les obligera à obtempérer. Les procureurs de ces entités avec lesquels nous avons déjà discuté nous demandent également, par commodité, d’inclure les « URL » du contenu visé pour faciliter les retraits et suppressions.

Dommages

Les auteurs Baudouin et Deslauriers expriment que :

« […] son auteur doit avoir commis une faute. Cette faute peut résulter de deux genres de conduite. La première est celle où le défendeur, sciemment, de mauvaise foi, avec intention de nuire, s’attaque à la réputation de la victime et cherche à la ridiculiser, à l’humilier, à l’exposer à la haine ou au mépris du public ou d’un groupe. La seconde résulte d’un comportement dont la volonté de nuire est absente, mais où le défendeur a, malgré tout, porté atteinte à la réputation de la victime par sa témérité, sa négligence, son impertinence ou son incurie. Les deux conduites constituent une faute civile, donnent droit à réparation, sans qu’il existe de différence entre elles sur le plan du droit »[5].

                (Nos soulignements)

Afin de pouvoir réclamer des dommages, plusieurs critères doivent être pris en compte pour déterminer la juste indemnisation d’une « victime du web ». Notamment, le tribunal doit tenir compte de critères proposés par la doctrine et la jurisprudence :

  • La gravité intrinsèque de l’acte diffamatoire;
    • Sa portée particulière relativement à celui qui en a été la victime;
    • L’importance de la diffusion publique dont le libelle a été l’objet;
    • Le genre de personnes qui, présumément, en ont pris connaissance, et les conséquences que la diffamation a pu avoir sur leur esprit et sur leur opinion à l’égard de la victime;
    • Le degré de la déchéance plus ou moins considérable à laquelle cette diffamation a réduit la victime par comparaison avec son statut antérieur;
    • La durée éventuelle et raisonnablement prévisible du dommage causé et de la déchéance subie;
    • La contribution possible de la victime, par sa propre attitude ou sa conduite particulière, à la survenance du préjudice dont elle se plaint;
    • Les circonstances extérieures qui auraient, de toute façon et indépendamment de l’acte fautif des défendeurs, constitué des causes probables du préjudice allégué ou, au moins, d’une partie de ce préjudice.

En plus des critères susmentionnés, la Cour devra considérer la gravité des propos et la période pendant laquelle le contenu diffamatoire est demeuré accessible sur le web.

En terminant, il est intéressant de savoir qu’une personne morale (une corporation) est également susceptible d’être atteinte dans sa réputation.

Nous demeurons disponibles pour vous éclairer.

Mathieu Kellner, avocat


[1] Laforest c. Collins, 2012 QCCS 3078

[2] J.E. 94-1287 (C.A.)

[3] Prud’homme c. Prud’homme, [2002] 4 R.C.S. 663

[4] Précité, note 1

[5] Précité, note 1